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Voir la version complète : Prédations de l'Epervier d'Europe


maloute45
02/11/2014, 14h24
Source : Ornithomédia - Brèves.

Prédation de l'Épervier d'Europe sur les oiseaux des jardins :

que peut-on faire ?

Quelques solutions pratiques pour limiter les attaques d'éperviers sur les oiseaux attirés par
la nourriture mise à leur disposition.


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Épervier d'Europe (Accipiter nisus) ayant attrapé un oiseau
dans un jardin en hiver, Habsheim (Haut-Rhin), le 27/02/2005.
Photographie : Marie-Elisabeth Beaupin


L'Épervier d'Europe (Accipiter nisus) est un petit rapace commun et en expansion.
Il se nourrit presque exclusivement d'oiseaux (mésanges, pinsons, grives, merles,
étourneaux...).
Le mâle étant d'une taille inférieure à celle de sa "compagne", il s'attaque à des proies plus
petites (jusqu'à 120 grammes), la femelle pouvant elle tuer des oiseaux plus gros qu'elle,
comme le Pigeon ramier.

On n’observait autrefois cette espèce que dans les bois et dans les forêts de feuillus, de
conifères ou mixtes (elle chassait alors dans les lisières et les clairières) et dans les secteurs
de bocage et de bosquets, mais depuis une vingtaine d'années, suite à l'expansion urbaine, à
l'interdiction de l’usage de certains produits chimiques qui perturbaient sa reproduction et à
la protection dont elle bénéficie, elle colonise de plus en plus souvent les banlieues et même
les centres-villes : elle niche ainsi en plein Paris, à Montmartre.

Certains éperviers ont bien compris que les jardins dans lesquels de la nourriture était
distribuée (en hiver surtout, mais aussi parfois toute l'année), et qui attirent donc de
nombreux passereaux, constituaient de très intéressants terrains de chasse : ils se postent à
l'affût près des mangeoires.
Leurs attaques, même si elles sont rarement couronnées de succès, provoquent la panique et
entraînent parfois une désertion du secteur.

Même si nous pensons qu'il est préférable de ne pas intervenir car il s'agit là d'un processus
tout à fait normal (et l'impact de ces rapaces sur les populations d'oiseaux est bien moindre
que celui des chats), des personnes nous ont contacté pour connaître des moyens de limiter
le nombre d'oiseaux tués.
Dans cet article des arguments en faveur d'un "laissez-faire", mais aussi des solutions
pratiques pour diminuer les captures.


Un prédateur spécialisé et habile

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Epervier d'Europe (Accipiter nisus) venant de déplumer
un oiseau dans un jardin.
Photographie : Cédric Berthelin

L'Épervier d'Europe est un petit rapace (le mâle adulte mesure de 29 à 34 cm de long et la
femelle de 35 à 41 cm) spécialisé dans la chasse des oiseaux des bois et des campagnes.
Il s'agit d'un rapace polyvalent, capable d'appliquer différentes stratégies de chasse.
Il attrape principalement ses proies par surprise, profitant des haies, des taillis et des autres
cachettes disponibles.
Il vole rapidement et habilement entre les arbres et juste au-dessus des buissons grâce à ses
ailes arrondies et à sa longue queue .

Ce rapace se place parfois à l'envers pour saisir sa victime par dessous.
Il peut aussi la courser à travers la végétation ou de fondre sur elle comme un faucon.
Deux oiseaux peuvent chasser ensemble.
Lors d'une chasse, l'épervier peut parcourir 2 à 3 km.
Son territoire de chasse couvre de 7 à 12 km², une superficie qui varie selon l'abondance des
proies.

La victime est tuée rapidement grâce aux longues serres et au bec recourbé de l'épervier.
Il la déplume et lui arrache des lambeaux de chair.
Un mâle tue des oiseaux pouvant peser jusqu'à 120 grammes, les femelles pouvant quant à
elles s'attaquer à des proies pesant jusqu'à 500 grammes ou plus.
La consommation quotidienne est 40 à 50 grammes pour le mâle et de 50 à 70 grammes
pour la femelle.

Le mâle se nourrit essentiellement de passereaux pas plus grands que des grives, comme des
Paridés (mésanges), des Fringillidés (serins, linottes, chardonnerets), des Passéridés
(moineaux) ou des Emberizidés (bruants).
La femelle consomme principalement des Turdidés (grives, merles) et des Sturnidés
(étourneaux), mais elle peut également s'attaquer à de plus gros oiseaux.

Selon une étude menée en Grande-Bretagne durant l'hiver 2001-2002 par le British Trust of
Ornithology, les proies les plus fréquentes étaient la Tourterelle turque (Streptopelia
decaocto) (20 % des captures), le Verdier d'Europe, l'Étourneau sansonnet et le Moineau
domestique.
Plus de 120 proies ont été identifiées en Europe.

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Épervier d'Europe (Accipiter nisus) ayant attrapé
un Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) dans un jardin.
Photographie : Christian Vermylen

En un an, un couple d'Éperviers d'Europe pourrait tuer 2 200 Moineaux domestiques (Passer
domesticus), 600 Merles noirs (Turdus merula) ou 110 Pigeons ramiers (Columba palumbus).

Les espèces qui se nourrissent à découvert, ou qui sont facilement repérables par leur
comportement ou leur coloration, sont privilégiées : c'est le cas par exemple de la Mésange
charbonnière (Parus major) et du Moineau domestique.
Des petits mammifères, comme les chauves-souris, sont parfois attrapés.
Mais il est important de préciser que l'impact des éperviers sur les oiseaux est bien moins
important que celui des chats .

Une étude a examiné l'évolution d'une population de Mésanges bleues (Cyanistes caeruleus)
dans une zone où un couple d'Éperviers d'Europe avait commencé à nicher en 1990 : elle a
conclu que le taux de survie annuel des adultes avait diminué de 0,485 à 0,376.
La taille de la population reproductrice n'a pas été modifiée, mais il y avait moins d'individus
non reproducteurs dans la population.

En forêt, les Éperviers d'Europe seraient responsables de la mort d'un tiers de toutes les
jeunes mésanges.
Ce rapace a été mis en cause dans la diminution des populations de certains passereaux,
mais les recherches menées n'ont pas établi de lien entre l'augmentation du nombre
d’éperviers et les déclins de certains oiseaux des terres agricoles ou des bois après la
Seconde Guerre mondiale; les études des décès des pigeons de course montrent que les
éperviers sont à l'origine de moins d'un pour cent des pertes.
On estime que 10 % de ses attaques sont en moyenne couronnées de succès.

Un rapace en expansion en ville

Autrefois, l'on n’observait les éperviers que dans les bois et les forêts de feuillus, de
conifères ou mixtes (il chassait alors dans les lisières et les clairières) et dans les secteurs de
bocage et de bosquets, mais depuis une vingtaine d'années, suite à l'expansion urbaine, à
l'interdiction de certains produits chimiques qui perturbaient leur nidification et à la
protection dont ils bénéficient, ils colonisent de plus souvent les banlieues et même les
centres villes : ils nichent ainsi par exemple à Montmartre, en plein Paris.
Lors d'un recensement ("Garden Bird Survey") mené en Irlande durant les hivers 1993-1994
et 2003-2004, l'épervier a été le rapace le plus fréquemment vu dans les jardins (trouvé dans
près de 30 % d'entre eux).

Un rapace audacieux


Les éperviers peuvent être audacieux, et ils n’hésitent parfois pas à chasser tout près des
maisons.
Mary-Gaëlle Tacnet, membre de notre comité de lecture, nous a ainsi décrit le cas d’une
femelle d’épervier qui vient se poser en hiver deux à trois fois par semaine, en général au
lever du jour, sur le toit de la grande mangeoire placée juste sous la fenêtre de sa cuisine et
qui attire de nombreux passereaux (Mésanges nonnettes, charbonnières et bleues,
Chardonnerets élégants, Bouvreuils pivoines, Verdiers d’Europe, Tarins des aulnes, Pinsons
des arbres et du Nord, Pics épeiches…) .

Le 14 novembre 2013, cet individu (le même ?) a capturé au vol une Mésange bleue juste
devant la véranda.
Le 15 novembre il était encore perché juste devant une fenêtre.
Gérard Rolin, membre de notre comité de lecture, nous a également rapporté l'anecdote
suivante : un canari avait installé dans un cage placée derrière une fenêtre avec une vue sur
le jardin.
Alors qu'il chantait, une femelle d'épervier avait heurté violemment la vitre en essayant de
le capturer.
Heureusement, elle n'était que "sonnée" et est partie se poser dans un arbre voisin.


Les arguments en faveur d'un "laissez-faire"

Pour plusieurs observateurs, il ne faut pas intervenir, même si un épervier chasse dans votre
jardin.
Et en effet plusieurs arguments plaident en faveur d'un "laissez-faire" :

◾L'épervier est une espèce indigène de nos contrées et il fait donc intégralement partie de
notre avifaune; il est en outre intégralement protégé.

◾Les éperviers ne s'approchent généralement des maisons que lorsque les conditions
météorologiques sont rudes (neige abondante, gel prolongé) ou quand ils ont niché dans le
secteur et qu'ils nourrissent leurs petits (au printemps).

◾Le nombre d'éperviers est limité par celui des passereaux présents.
D’autre part, au-delà d’une certaine densité de proies, "l’effet de satiété" réduit son activité
prédatrice.

◾L'impact des éperviers sur les oiseaux est bien moins important que celui des chats .

◾Les rapaces ne sont pas responsables du déclin de plusieurs espèces de passereaux depuis
25 ans : c'est essentiellement l'intensification des pratiques agricoles qui a entraîné leur
chute.

◾La présence croissante des éperviers dans nos jardins est la preuve de ses capacités
d'adaptation aux changements du milieu, et cela est plutôt encourageant.

◾Les mangeoires sont simplement les "équivalents urbains" des accumulations de nourriture
qui se produisent de façon saisonnière dans la nature et qui attirent aussi beaucoup de petits
oiseaux, comme lorsque les faînes qui s'accumulent sous les hêtres en automne.

Quelques idées pour diminuer le nombre d'oiseaux tués

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Un grillage à mailles larges peut protéger les oiseaux
qui se nourrissent tout en leur permettant d'entrer
et de sortir à leur guise.
Source : RSPB

Même s'il nous semble préférable de laisser faire la nature, certaines personnes considèrent
qu'ils doivent assurer la "sécurité" de leurs "hôtes".
Voici donc quelques pistes pour diminuer le nombre d'oiseaux tués par les éperviers :

◾Ces rapaces chassent à l'affût, mais ils ont besoin d'un peu d'espace pour les attraper : il
faut donc éviter que les oiseaux que vous nourrissez soient trop à découvert et faire en sorte
qu'ils puissent facilement se réfugier dans un taillis proche.
Installez donc vos mangeoires près d’un ou de plusieurs hauts buissons protecteurs, épineux
si possible.
Certains buissons offriront même des baies .
On a remarqué que les mésanges et les passereaux se nourrissaient plus volontiers quand la
nourriture était distribuée près d’un abri protecteur.
Par contre, il ne faut pas placer vos mangeoires trop près de votre maison : il faut donc
trouver la bonne distance !

◾Vous pouvez déplacer vos mangeoires pour repérer les emplacements les plus sûrs.
D’autre part, des déplacements réguliers empêcheront les rapaces de se trouver un affût
régulier.
De même, évitez de concentrer l’apport de nourriture à un seul endroit.

◾Préférez les plateaux de nourrissage munis d’un toit.

◾Vous pouvez placer vos mangeoires dans une sorte de cage métallique composée d’un
grillage à larges mailles (au moins 5 cm) ou sous une treille, ce qui empêchera les éperviers
de rentrer tout en permettant aux petits oiseaux de circuler librement.

◾Plus simplement, il suffit de "compliquer" l’approche du rapace en plaçant quelques
perches ou grands bâtons près des mangeoires.
Vous pouvez également installer un parasol sans le tissu qui le recouvre, les baleines étalées
empêchant les rapaces de s’approcher.

◾Les feuilles et les canettes en aluminium ou les CDs suspendus aux branches proches de la
mangeoire effraient les éperviers (mais aussi d’autres oiseaux, ce qui n’est pas l’effet
recherché), mais généralement seulement durant un temps limité.

◾Un ballon avec de grands yeux dessinés dessus, comme le "Gardeneer Guard-N Eyes TE-
12C" proposé par la société Daren, censés effrayer les prédateurs comme le font les ocelles
des ailes des papillons, semble assez efficace.

◾Des boules à miroir "anti-rapaces", placées sur des mas, sont utilisées par les
colombophiles.

◾Certains propriétaires favorisent la présence des Corvidés (Pie bavarde, Corneille noire)
dans les jardins car ils n’hésitent pas à houspiller les rapaces et contribuent donc à les
éloigner .

◾Les éperviers augmentent leurs attaques quand ils nourrissent leurs petits : il s’agit là donc
d’un argument en faveur d’un arrêt du nourrissage dès la fin de l’hiver .